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9 janvier 2020

Sélection de décisions - Rapport public CE 2020

Activité juridictionnelle 2019 - Décisions retenues pour le rapport public du Conseil d’État.

2 avril 2019, Mme X n° 1602151

Le litige concernait une professeure agrégée de lettres modernes exerçant ses fonctions en classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE), et qui assurait, depuis plusieurs années, la quasi-totalité de son obligation réglementaire de service (huit heures hebdomadaires) non pas  dans sa discipline de spécialité, mais par des enseignement en théâtre, contrairement à ses souhaits et à la différence de ses collègues. Ayant sollicité une modification de la répartition des horaires d’enseignement dans les disciplines littéraires au sein de son établissement et entre professeurs afin de pouvoir assurer au moins une partie de son service dans sa discipline, elle demandait au tribunal l’annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par l’administration à la suite de cette demande. Elle soutenait que le refus attaqué procédait d’un motif entaché de discrimination, invoquant ainsi la méconnaissance du principe d’égalité de traitement entre fonctionnaires.

 Le tribunal, après avoir fait usage de ses pouvoirs d’instruction afin d’obtenir auprès de l’administration des précisions sur les modalités de répartition des heures d’enseignement en lettres (y compris des heures supplémentaires) au sein de l’établissement, a estimé que la requérante, par les éléments qu’elle produisait, avait fait naître une présomption d’atteinte au principe d’égalité de traitement des personnes. Les éléments produits en défense, qui ne permettaient pas de dégager les motifs de la décision prise et d’établir que celle-ci reposait sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, n’ont pas permis à l’administration de renverser cette présomption (CE du 30 octobre 2010 Mme Perreux n° 298348, au rec. p 407).

 Ainsi, le tribunal a, d’une part, admis, la recevabilité des conclusions d’annulation présentées en écartant la qualification de mesure d’ordre intérieur dès lors que la mesure attaquée traduisait une discrimination (CE 25 septembre 2015 Mme Bourjolly n° 372624 au rec. p322). D’autre part, au stade de l’examen au fond du dossier, il a annulé la décision implicite attaquée compte tenu de la discrimination relevée, et a enjoint à l’autorité administrative de procéder au réexamen de la situation de la requérante.

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7 novembre 2019, M. X, n°1905656

Visa - Visa de long séjour - Refus motivé par le défaut d'établissement de la filiation entre le demandeur de visa et la personne résidant en France - Tests d'identification par les empreintes génétiques - Opposabilité et caractère probant des tests d'identification - Examens pratiqués dans les conditions prévues par une loi étrangère présentant des garanties équivalentes à celles de la loi française (1)- Caractère opposable et probant : Oui en l’espèce.

 A l’occasion d’une demande de visa, la filiation peut être établie par tout moyen. A cette fin, il est loisible aux demandeurs de faire établir la preuve du lien de parenté dont ils se prévalent par l’utilisation de tests génétiques dans les conditions définies à l’article 16-11 du code civil ou dans le cadre d’une mesure d’enquête ou d’instruction diligentée lors d’une procédure devant une juridiction étrangère ou, le cas échéant, une autorité non juridictionnelle étrangère compétente à cet effet en vertu de la loi locale sous réserve qu’ils présentent des garanties équivalentes à celles de l'article 16-11.

 Ressortissant congolais (République Démocratique du Congo) ayant sollicité la délivrance d’un visa de long séjour en qualité de membre de famille de réfugié au bénéfice de sa fille mineure alléguée résidant au Maroc et placée auprès d’une association de protection de l’enfance. Par un jugement du 12 janvier 2018, le tribunal de première instance de Rabat a ordonné que soit effectué un test génétique afin d’établir le lien de filiation entre le requérant et sa fille alléguée et a mandaté le laboratoire génétique de la gendarmerie royale à Rabat aux fins de réaliser ce test. Les résultats du test sont en l’espèce propres à établir le lien de filiation dans des conditions opposables aux tiers dès lors que la mesure ordonnée par le tribunal de première instance de Rabat présente des garanties équivalentes à celles de l’article 16-11 du code civil (laboratoire chargé de l’analyse, présence du requérant et de sa fille lors des test, rédaction d’un rapport avec photographies). Dans ces conditions, les résultats de ces tests, qui ne sont pas sérieusement remis en cause par le ministre, établissent de manière suffisante le lien de filiation allégué.

Cf CAA Nantes 27 février 2015 Mme Ogbogbodo-Tamekloe n°14NT00474 R ; 27 février 2015 Mme Pagndo n° 14NT00812.

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30 septembre 2019, CIMADE n°1910212

Le 23 septembre 2019, une fondation, propriétaire d’un gymnase sis à Saint-Herblain, a saisi le tribunal administratif de Nantes d’un référé-liberté afin que soit enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de prendre toutes mesures nécessaires afin de procéder à l’évacuation des personnes occupant le gymnase. Cet immeuble désaffecté avait en effet été occupé par des migrants qui y avaient installé un campement. Le nombre d’occupants n’avait cessé d’augmenter jusqu’à atteindre plusieurs centaines. Par ordonnance du 28 mars 2019, le juge judiciaire avait ordonné la libération des lieux dans un délai maximal de deux mois. Toutefois, les occupants s’étaient maintenus dans les lieux et le préfet, saisi par la fondation d’une demande de concours de la force publique, avait implicitement rejeté celle-ci. Parallèlement à cette action, le tribunal a été saisi par deux associations, la Cimade et le Secours catholique, d’un référé-liberté tendant à ce qu’il soit enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de procéder à une mise à l’abri immédiate de l’ensemble des personnes présentées dans le gymnase et aux abords de ce dernier. Le juge des référés a, le 30 septembre 2019, d’une part (TA de Nantes, 1910328), enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de prendre toutes mesures nécessaires pour assurer l’exécution de l’ordonnance de la présidente du tribunal d’instance de Nantes en date du 28 mars 2019 dans un délai de trois mois à compter de la notification de son ordonnance, ce délai devant permettre au préfet d’identifier les occupants, de déterminer leur situation juridique et familiale, leur vulnérabilité, leur état de santé, de rechercher des lieux d’hébergement pour ceux dont la situation le justifie, de sécuriser les lieux et de mettre à disposition des équipements d’hygiène suffisants au regard de l’importance de la population présente dans et aux abords du gymnase jusqu’à son évacuation. Le juge des référés a estimé, au vu des pièces produites par les parties, que l’octroi du concours de la force publique ne risquait pas de provoquer des réactions de nature à entraîner troubles et violences alors qu’à l’inverse, des préoccupations d’ordre public découlaient tant de l’état dégradé de l’immeuble que des inconvénients pour le voisinage et des dangers pour les occupants du gymnase dont le nombre était évalué par la fondation à environ 800. Il en a conclu que le refus de concours de la force publique opposé par le préfet à la fondation portait une atteinte manifestement illégale au droit de propriété et apparaissait constitutif d’une situation d’urgence au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Il a précisé que les dispositions de l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution, relatives à la non-exécution des mesures d’expulsion pendant la période hivernale, n’étaient pas applicables au cas d’espèce, le gymnase ayant été occupé par voie de fait (CE, juge des référés, 251898, 27/11/2002, aux tables). D’autre part, le juge des référés, statuant sur la requête de la Cimade et du Secours catholique (TA de Nantes, 30 septembre 2019, 1910212), a enjoint au préfet notamment de mettre en place, dans tout lieu adapté situé à proximité du gymnase ou, en lien avec la fondation propriétaire, sur le site lui-même, des équipements provisoires d’accès à l’eau potable permettant aux occupants de boire, de se laver et de nettoyer leurs vêtements, ainsi que des toilettes en nombre suffisant, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’ordonnance et ce, jusqu’à l’évacuation du gymnase. Il a en effet estimé que les conditions de vie, à l’intérieur du gymnase, révélaient une carence des autorités publiques investies de pouvoirs de police générale de nature à exposer les occupants, de manière caractérisée, à des traitements inhumains ou dégradants (CE, 6ème chambre, 412125, 412171, 31 juillet 2017, au Lebon). En revanche, il a rejeté les conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint au préfet de procéder à la mise à l’abri immédiate de l’ensemble des occupants du gymnase et de ses abords, sans distinction, l’existence d’une carence des services de l’Etat de nature à porter une atteinte grave et manifestement illégale au droit de toutes ces personnes à bénéficier d’un hébergement d’urgence n’étant pas établie en l’état, d’autant que le dispositif d’hébergement d’urgence existant dans le département de Loire-Atlantique était d’ores et déjà saturé.

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