Le tribunal estime que les faits commis à l’encontre des forces de l’ordre depuis la terrasse de l’établissement le 14 septembre 2019 ne sont pas en relation avec sa fréquentation ou ses conditions d’exploitation et condamne l’Etat à verser la somme de 30 017,73 euros à la gérante du bar en réparation des préjudices que lui a causés la décision illégale de fermeture qui s’est appliquée à compter du 12 décembre 2019
Les points 2 et 4 de l’article L. 3332-15 du code de la santé publique permettent au préfet d’ordonner la fermeture, pour une durée n’excédant pas deux mois, des débits de boissons et des restaurants en cas d'atteinte à l'ordre public « en relation avec la fréquentation de l'établissement ou ses conditions d'exploitation ». Cette mesure de police administrative, destinée à prévenir la continuation ou le retour de désordres liés au fonctionnement de l’établissement, ne constitue pas une sanction.
En l’espèce, le préfet a principalement retenu que le bar « le Chat Noir », situé à l’intersection de la rue Du Guesclin et de l’allée Duguay-Trouin, dont la façade donne sur le cours Franklin Roosevelt à une cinquantaine de mètre des rails d’une ligne de tramway, avait servi de point de rassemblement pour des individus ayant commis des violences à l’encontre des forces de l’ordre, parfois depuis la terrasse située devant l’entrée des locaux, sans intervention du personnel de l’établissement, dans la soirée du 14 septembre 2019, date de la manifestation organisée par le mouvement dit "des gilets jaunes".
Le tribunal estime (au vu notamment du rapport du directeur départemental de la sécurité publique de la Loire-Atlantique et des captures d’écran de l’enregistrement vidéo réalisé par le centre superviseur urbain de Nantes Métropole, enregistrement que les membres de la formation de jugement ont visionné) que si les jets de projectile en direction des véhicules des forces de l’ordre par quatre individus depuis la terrasse de l’établissement sont bien constitutifs d’atteinte à l’ordre public au sens de l’article L. 3332-15 du code de la santé publique, la simple circonstance que ces individus, dont l’action a duré en tout et pour tout quatorze secondes, aient stationné sur la terrasse et seraient allés, à certains moments de l’après-midi, à l’intérieur du bar, ne suffit pas à établir un lien entre cette atteinte à l’ordre public et la fréquentation de cet établissement ou ses conditions d’exploitation.
Le tribunal prononce en conséquence l’annulation de l’arrêté du 10 décembre 2019 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a ordonné la fermeture pour une durée d’un mois de l’établissement et condamne l’État à indemniser l’exploitante du préjudice financier correspondant au manque à gagner pendant la période du 12 décembre 2019 au 11 janvier 2020, ainsi que du préjudice moral, incluant les troubles dans les conditions d’existence, qu’elle a subi consécutivement à la fermeture de son établissement.
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