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TA de Nantes, 10e chambre, 12 avril 2021, n°2002568
L’article R. 312-18 du code de justice administrative confie au TA de Nantes la compétence pour connaître des litiges relatifs au rejet des demandes de visa d'entrée sur le territoire de la République française relevant des autorités consulaires.
Il ressort du rapport remis au Parlement pour l’année 2019 sur la situation des étrangers en France que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée (CRRV), autorité administrative collégiale à laquelle est confié l’examen d’un recours administratif préalable obligatoire (RAPO), a enregistré cette année-là 37 016 recours. Le rapport précise que 16 322 de ces recours ont été examinés et que les autres ont fait l’objet d’une décision implicite de rejet. Cette même année, 3099 recours contentieux ont été portés devant le TA de Nantes. Nombre d’entre eux amènent donc les formations de jugement du tribunal à apprécier la légalité des décisions implicites de rejet émanant de la CRRV.
Par un jugement du 12 avril 2021, la 10e chambre, l’une des deux chambres exclusivement dédiées à ce contentieux, a jugé que le moyen tiré de l’absence de réunion de la CRRV dans une composition régulière afin de procéder à l’examen du recours formé devant elle était opérant pour contester la légalité d’une décision implicite.
S’inscrivant dans un cadre jurisprudentiel bien établi (voir CE, 30 juillet 1920, Servan, n° 65585 ; CE, Avis, 23 octobre 2017, M. Diemert, n°411260, ccl. Crépey), le tribunal a rappelé que le mécanisme de la décision implicite n’est qu’un mode de liaison du contentieux devant le juge, que cette règle générale de procédure n’exclut pas que l’administration fasse valoir qu’elle avait pris une décision dans le délai à l’expiration duquel une décision implicite était réputée naître ou qu’elle édicte une décision expresse de rejet postérieurement à la naissance d’une décision implicite de rejet.
Ensuite, le tribunal a considéré que ce mécanisme de la décision implicite était étranger à la question de la compétence de la CRRV en matière d’examen des RAPO et en a déduit qu’il appartenait à l’administration de justifier que le recours, même implicitement rejeté par la commission, avait néanmoins été examiné par elle au cours d’une de ses réunions où elle était régulièrement composée. La formation de jugement a ainsi adopté une position qui n’était jusque-là pas retenue par la jurisprudence, notamment s’agissant de la naissance d’une décision implicite d’acceptation à l’issue d’un délai de sept jours (voir CE, 26 juillet 1982, Maillet, n° 34388, ccl. contr. Stirn). Si le tribunal avait déjà à une occasion considéré ce moyen opérant (voir TA de Nantes, 22 mars 2019, n° 1811373, ccl. contr. Labouysse), c’est la première fois que celui-ci est accueilli.